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L’autodiagnostic dans l’autisme : entre quête de sens et dérive dangereuse

  • Photo du rédacteur: Whizkid
    Whizkid
  • 9 avr.
  • 4 min de lecture


Chaque année, le mois d’avril met en lumière l’autisme, sa diversité, ses réalités… et ses nombreux malentendus. Cette année, j’ai décidé de sortir un peu de ma réserve habituelle pour aborder un sujet sensible : l’autodiagnostic, ou plutôt ses dérives croissantes, que je vois malheureusement se multiplier sur les réseaux sociaux.

 

Avant d’aller plus loin, soyons clairs : se poser des questions sur soi-même est parfaitement légitime. Beaucoup de personnes découvrent l’existence de conditions comme l’autisme ou le TDAH à l’âge adulte, parfois en lisant un témoignage, en visionnant une vidéo ou en faisant des recherches après une difficulté particulière.

 

Dans ce contexte, l’autodiagnostic peut être une première étape nécessaire : un moment d’introspection, une hypothèse qui pousse à chercher un vrai diagnostic. Surtout quand on connaît les freins à l’accès aux bilans officiels : délais délirants dans les CRA, coûts du privé, manque de professionnels compétents, invalidation de la parole des femmes ou des personnes racisées… La liste est longue.

 

Mais ce n’est pas de cette forme d’autodiagnostic que je veux parler ici.

 

Ce que je dénonce, c’est l’usage abusif de l’autodiagnostic comme verdict définitif, sans passage par un professionnel, sans remise en question, parfois même avec un profond mépris pour les outils cliniques et les soignants. Pire encore : certaines personnes érigent leur auto-évaluation en étendard identitaire, se présentent comme autistes sans diagnostic formel, publient des contenus en se disant "représentatives" de l'autisme... et vont parfois jusqu’à diagnostiquer les autres à distance.

 

Le message implicite ?"Mon ressenti vaut plus que l’évaluation d’un professionnel."

 

Ce discours, séduisant à première vue, pose de sérieux problèmes. Pour les personnes réellement autistes. Pour les communautés de neuroatypiques. Mais aussi pour les autodiagnostiqués eux-mêmes.

 

Un problème pour les personnes réellement concernées

 

Lorsque l’on vit avec un trouble neurodéveloppemental comme l’autisme, il s’agit souvent d’un vécu complexe, parfois handicapant, qui impacte profondément la vie quotidienne : difficultés sensorielles, isolement social, limitations dans le monde du travail, besoin d’aménagements spécifiques, etc. Le chemin vers un diagnostic est souvent long, coûteux et émotionnellement chargé. Dans ce contexte, voir des individus s’autoattribuer publiquement l’étiquette d’"autiste" sans évaluation clinique, souvent sur la base de traits génériques ou de tests en ligne, peut être ressenti comme une forme d’appropriation.

 

Ces autodiagnostics superficiels banalisent la réalité du trouble et invisibilisent les besoins des personnes véritablement concernées, notamment en réduisant l’image de l’autisme à une simple différence de personnalité ou à une originalité valorisante. Cela crée un écart dangereux entre la réalité clinique et la représentation sociale du trouble.

 

Un problème pour l’image du neuroatypisme

 

L’usage inconsidéré de certains termes comme "autiste", "HPI", "TDAH", etc., contribue à leur banalisation dans l’espace public. Cette inflation de diagnostics autoproclamés rend plus difficile la reconnaissance des besoins réels des personnes concernées. Quand tout le monde se revendique autiste sans démarche sérieuse, ces mots perdent leur sens clinique et leur poids dans les discours institutionnels ou médicaux.

 

Cela affecte directement les efforts de sensibilisation, de reconnaissance des handicaps invisibles, d’attribution d’aides administratives, ou encore d’aménagements en milieu scolaire ou professionnel. Si le public ou les décideurs finissent par percevoir l’autisme comme une "mode" ou une "tendance", les personnes véritablement concernées voient leur légitimité mise en doute et leur accès à des dispositifs d’aide compromis.

 
Un danger pour les autodiagnostiqués eux-mêmes

 

Ce point est souvent ignoré : l’autodiagnostic peut devenir une impasse pour la personne qui en fait usage. Beaucoup de personnes qui s’autodiagnostiquent sont en réelle souffrance. Mais au lieu de chercher un accompagnement, elles se retrouvent enfermées dans une étiquette qui les "rassure" mais ne les soigne pas.

 

Les réseaux sociaux regorgent de discours pseudo-bienveillants qui flattent l’ego :"Tu n’as pas de problème, c’est juste que tu es trop pur/trop intelligent/trop sensible pour ce monde."

 

Résultat ?Des personnes qui auraient besoin d’un soutien psychologique ou médical se coupent de toute prise en charge, et entretiennent une vision biaisée d’elles-mêmes. Elles peuvent aussi tomber sous l’influence de créateurs de contenus peu scrupuleux, voire de charlatans qui vendent du rêve (ou des consultations hors de prix).

 

Et maintenant ? Vers un discours plus responsable

 

Je ne dis pas que le système de santé est parfait. Je sais combien il est dur, injuste, maltraitant parfois. Mais le discréditer en bloc pour légitimer les dérives de l’autodiagnostic est dangereux.

 

Il est temps de faire preuve de nuance, de rappeler que l’auto-exploration est une étape — pas un diagnostic et enfin de responsabiliser les créateurs de contenu sur le poids de leurs paroles.

 

L’autisme n’est pas un « super-pouvoir » ou un accessoire à la mode : c’est une condition neurodéveloppementale sérieuse, qui mérite respect, rigueur et bienveillance.

 

Pour conclure

 

Je sais que ce billet ne plaira pas à tout le monde. Il sera mal compris par certains, rejeté par d’autres. Mais il fallait que je le dise. Parce que trop, c’est trop. Parce que la souffrance de certains est transformée en accessoire par d’autres. Parce qu’on ne peut plus continuer à banaliser ce qui mérite d’être écouté et encadré avec sérieux.

 

Je ne fais pas la chasse aux sorcières, je ne veux pas « trier » les vrais et faux autistes. Je veux simplement qu’on ouvre les yeux sur une dérive réelle, aux conséquences trop souvent ignorées.

 
 
 

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